"Il existe un aspect de la lecture qui vaut, je crois, qu'on s'y
étende un peu, car il s'agit d'une habitude très répandue et dont à ma
connaissance, on a dit bien peu de chose. Je veux parler du fait de lire
aux cabinets." Ainsi Henry Miller ouvrait-il son court essai, Lire aux cabinets,
publié en 1957. Si l'écrivain américain, dont on connaît l'intérêt pour
les choses du corps, a su apporter une réflexion littéraire, drôle et
juste sur une pratique fréquente, les scientifiques sont restés plus
frileux sur le sujet. Reprenant ce constat, un article publié dans le Guardian
relaie ainsi les opinions de deux médecins qui se sont intéressés à la
lecture aux toilettes et à ses conséquences sur la santé.Les
deux principales questions que l'on peut se poser sur le sujet peuvent
prêter à sourire, mais il faut bien avouer qu'on s'en est déjà posé de
moins... consistantes. Les livres aux toilettes sont-ils des vecteurs de
bactéries et autres microbes tant redoutés ? Et la lecture a-t-elle des
effets sur notre activité intestinale ?
A la
première question, le docteur Val Curtis, professeur de la London School
of Hygiene & Tropical Medicine, et lectrice de cabinet avouée,
apporte une réponse rassurante. Selon elle, le risque de contamination
lié à la lecture aux toilettes est très faible. Le plus important étant,
rappelle Curtis, de se laver les mains afin d'en éliminer les microbes
vaillants qui auraient pu y parvenir. Quant aux microbes qui auraient
atterri sur le support de lecture, on peut noter que leur durée de vie
n'est que de quelques minutes sur du papier journal. En revanche, ils
peuvent tenir quelques heures sur les surfaces plus lisses, comme les
couvertures plastifiées ou les écrans de Kindle et d'iPad. A ce sujet,
Val Curtis vient d'ailleurs de publier une étude révélant qu'en Grande
Bretagne, un téléphone portable sur six présente des traces de matières
fécales.
Chercheur au Bnai Zion Medical Center à Haifa, en Israël, le docteur Ron Shaoul a réalisé une étude sur les habitudes de lecture aux toilettes
chez les adultes israëliens. C'est en tant que spécialiste en
gastro-entérologie pédiatrique qu'il s'est intéressé à la question : et
si le simple fait de bouquiner au petit coin pouvaient influer sur les
mouvements intestinaux ? "Nous pensions qu'être assis et lire aux toilettes pouvait être relaxant et rendre les choses plus faciles", déclare Shaoul à propos de ces travaux, publiés en 2009. "Nous pensions guérir le monde de la constipation avec ces recherches".
499 hommes et femmes âgés de 18 à 65 ans, issus de milieux divers, ont
ainsi répondu au questionnaire qu'il a mis au point avec quelques
collègues. Sur les participants, 64% des hommes et 41% des femmes
avouent lire régulièrement aux toilettes. La plupart d'entre eux disent
prendre "tout ce qui traîne" comme lecture, ce qui correspond souvent,
dans les faits, aux journaux. Le sondage révèle plusieurs différences
entre les deux groupes : les lecteurs passent plus de temps aux cabinets
que les non-lecteurs ; ils seraient moins sujet à la constipation, mais
seraient plus nombreux à souffrir... d'hémorroïdes. Un chiffre dans
lequel certains verront un argument dissuasif ?
Pour
Ron Shaoul en tout cas, la pratique de la lecture aux toilettes, très
répandue, reste très positive. Elle permet de chasser l'ennui et est
absolument sans danger. Un avis que partage donc Val Curtis, qui avoue
avoir toujours un exemplaire du New Scientist aux toilettes, n'ayant pas spécialement envie de penser à ce qu'elle doit y faire : "Je l'utilise comme une thérapie distractive", explique-t-elle, rejoignant ainsi sans doute la majorité des lecteurs de cabinets.
SOURCE : Yahoo actualité