Sous l’appellation générique de " pêche aux appâts naturels " se sont développées différentes techniques de pêche particulières, très souvent redoutables lorsqu’elles sont utilisées dans les situations pour lesquelles elles ont été développées. Ainsi, nos voisins transalpins ont su mettre au point une technique parfaitement adaptée aux grands cours d’eau salmonicole et qui n’est autre qu’une réactualisation de notre bonne vieille pêche à rouler, autrefois très pratiquée sur les rivières de notre beau pays.
Texte Christophe BOUET
Photos Richard BAUMANN, Jean-Jacques LARDY et Christophe BOUET
Même si la forme actuelle des championnats du monde de pêche à la truite aux appâts naturels reste très discutable, ce type d’épreuve aura cependant eu le mérite de nous permettre de découvrir des techniques différentes des nôtres, dont nous ignorions pour la plupart l’existence et qui sont cependant très utilisées dans des pays jouxtant nos frontières. D’ailleurs, si nous devions un jour extraire le côté positif de ce genre de compétition c’est bien uniquement cet aspect de découverte et de connaissance des différentes pratiques de pêche qu’il faudrait assurément retenir. Les italiens nous ont à cette occasion fait la démonstration de leurs savoirs puisqu’ils ont acquis et développés des techniques qui, transposables sur notre territoire, pourraient nous aider à leurrer nos belles sauvages dans certaines situations particulières que nous exploitions peu ou mal auparavant.
Une pêche complémentaire.
De toutes les techniques que nous ont apportées nos voisins transalpins, c’est probablement la pêche à la spirale qui me paraît être la plus appropriée à adapter aux eaux Françaises... et à notre mentalité gauloise. D’une grande simplicité, cette technique est idéale pour prospecter les grandes rivières courantes où les truites sont très peu sollicitées aux appâts naturels. En effet, notre pêche classique de la truite ne nous autorise que rarement à une pratique à plus de 10 ou 15 mètres, 20 mètres étant un maximum qui ne peut guère être dépassé si l’on veut raisonnablement rester efficace. Dès lors, la pêche à la spirale ouvre des possibilités non négligeables puisque son intérêt réside justement dans le fait de pouvoir pêcher à des distances importantes tout en présentant de manière parfaire un petit ver de berge, une teigne ou une patraque. C’est en effet grâce à son poids et à sa forme spécifique l’obligeant à rouler sur le fond que la spirale va nous permettre de pêcher avec toutes les chances de réussite sur les parcours de nos grandes rivières à salmonidés et de présenter au mieux, à des truites difficiles à approcher une toute petite esche... à plus de 30 ou 40 mètres.
Des avantages indéniables.
Les italiens, aussi inventifs en matière de pêche que nos confrères anglais, ont su finaliser cette technique de pêche à grande distance grâce au plomb spirale. Rien n’est vraiment très original dans la méthode car on fait rapidement le rapprochement avec la pêche à rouler que nous pratiquons depuis des décennies en France. Mais la particularité tient en fait dans la conception même de la plombée. Bien loin de nos traditionnelles cendrées fendues, ce fil de plomb, tourné en spirale autour d’un axe creux et souple, offre l’indéniable avantage de pouvoir supprimer de nombreux accrochages occasionnés auparavant par le blocage des plombs entre les pierres. Sa forme, sa longueur et son poids la fait littéralement rouler et glisser sur le fond tout en empêchant la plombée de rester coincée et de s’accrocher entre les interstices de galets tapissant le lit de la rivière. Mais ce n’est pas tout ! Si en plus on acquière la possibilité de pêcher des truites à des distances n’autorisant pas des pêches traditionnelles et où, jusqu’à présent, elles coulaient des jours heureux, alors on peut facilement prédire un bel avenir à cette technique.
Une pêche amont avec un matériel approprié.
L’action de pêche n’est pas en soit très complexe et va se pratiquer, pour une plus grande efficacité, trois quart voir même plein amont. Dès que la ligne aura touchée l’eau, il faudra toujours conserver, canne haute, le contrôle de la dérive en récupérant au fur et à mesure le nylon afin de garder en permanence la bannière légèrement tendue. Pour réaliser cette opération, notre matériel classique va se révéler inadapté si l’on veut vraiment obtenir un contrôle optimum de la dérive. En effet, pour que notre dérive soit réellement efficace, il nous faudra nécessairement soustraire un maximum de bannière hors de l’eau. Dès lors, vous comprendrez aisément que du haut de ses 3 mètres 90, notre bonne vielle canne au toc sera bien trop courte. Même si l’on écarte, à juste titre, les cannes de 8 mètres utilisées par nos confrères italiens - bien trop encombrantes et surtout beaucoup trop lourdes - il serait déraisonnable de vouloir descendre sous la barre des 6 mètres. Il est bien évident qu’une canne de cette longueur est un handicap, mais à l’usage, elle s’avère obligatoire pour obtenir d’une part de longs lancers mais également, comme je viens de vous l’expliquer, pour garantir un meilleur contrôle de la dérive. Enfin, pour compléter cet équipement spécifique, vous vous en doutiez probablement, il conviendra d’adjoindre à la canne un bon moulinet à lancer léger qui, garni en 18/00, fera parfaitement l’affaire.
Une technique particulière.
L’évolution de l’appât doit avant tout, et c’est bien logique, suivre une dérive naturelle, simplement porté par le courant. Pour arriver à conduire idéalement notre dérive, il faudra contrôler la bannière au moulinet, en gardant toujours un œil sur la pointe de la canne. En effet, le nylon, systématiquement récupéré, ne devra alors jamais créer de ventre sous la canne et devra rester toujours sous tension afin d’éviter que la bannière ne s’immerge. Ainsi, et seulement dans ce cas, la conduite de la ligne pourra être réalisée dans de bonnes conditions. Si toutefois la récupération venait à être trop rapide, le fil tendu entraînerait alors l’esche vers l’aval beaucoup trop rapidement, créant ainsi un dragage inévitable et fortement préjudiciable. A l’inverse, si la récupération devait être trop lente, le mou créé dans la bannière servirait de point d’appui au courant, ce qui aurait pour incidence d’accélérer également le montage vers l’aval. En respectant consciencieusement ces quelques recommandations, le contrôle de la dérive en sera grandement facilité et la partie pêchante de la ligne conservera alors toute sa sensibilité.
[b]Une masse à ne pas négliger.
Le poids de la spirale à bien sûr une importance que nous ne pouvons et ne devons négliger : trop légère elle volerait littéralement dans le courant sans tenir le fonds alors que trop lourde elle accrocherait en permanence. Dans ces conditions, un bon assortiment de spirales variant de 2 à 8 grammes est nécessaire et permet raisonnablement de faire face à la majorité des situations que l’on pourra rencontrer. Mais avant de pêcher réellement, il faudra bien sûr effectuer les essais qui nous permettront de choisir au mieux la spirale adaptée au parcours. Cette opération minutieuse sera réalisée par tâtonnement, de la plus légère à la plus lourde pour définir la spirale qui sera capable d’évoluer le plus creux sans toutefois s’accrocher fréquemment. D’ailleurs, lors d’un accrochage, si la ligne s’immobilise sur le fond, il suffira souvent d’une simple impulsion sur le fil tendu pour pouvoir, dans la majeure partie des cas, libérer la spirale.
De la touche au ferrage.
La sensibilité, comme toutes pêches aux appâts naturels, est très importante. Mais si je préconise un maximum de 10 à 20 cm de bas de ligne - avant la 1ère plombée - pour la pêche au toc, la pêche à la spirale ne peut respecter les mêmes règles. Trop court, le bas de ligne, donc l’appât, serait automatiquement bridé par le poids de la spirale. Et même si l’on pourrait y gagner en sensibilité, la présentation en souffrirait énormément. Le compromis sensibilité/présentation qui semble donc être le plus efficace est compris entre 40 et 60 cm pour un diamètre habituellement utilisé de 14/00. C’est en effet la longueur de bas de ligne qui me paraît offrir la meilleure présentation de l’esche sans toutefois trop nuire à la transmission des touches. Elles sont, quant à elles, perçues par une succession de petites tirées brèves -le fameux toc- qui pourront être parfois assez discrètes. En guise de réponse à ces touches, le ferrage sera immédiat, ferme et ample puisque, ne l’oublions pas, nous pêchons à grande distance.
La pêche à la spirale ouvre, comme nous l’avons vu, de nombreuses possibilités qui nous étaient
jusqu'alors inconnues. En ayant maintenant le choix de pouvoir pêcher avec finesse à des distances
aussi importantes , les pêcheurs aux appâts naturels français vont enfin avoir l'assurance d'accéder aux plus beaux poissons , même éduqués , qui se trouvaient auparavant hors de nôtre portée en grandes rivières. Ainsi , la pêche à la spirale devra logiquement s'imposer à chaque fois que nôtre pêche deviendra trop courte ou que les conditions ne pemettront d'autres techniques que celles à grandes distances. Il n'existe en effet guère d'autres techniques proposant de telles perspectives à part peut être la pêche à la bombette ( elle aussi italienne) en rivière ....... mais ceci est une autre histoire .