Le plus grand poisson d'eau douce d'Europe a conquis nos rivières après avoir été lâché clandestinement dans le Tarn dans les années quatre-vingt. Les prises se multiplient ces dernières semaines.
Appelez-le aussi baleine d'eau douce, ou bien poisson-chat, au risque de froisser les puristes spécialistes de la faune aquatique. Mais c'est sous le nom de silure qu'on connaît le mieux cet animal impressionnant qui n'a de cesse d'alimenter le mythe du superprédateur et d'épurateur de nos rivières.
Cet été, les pêches miraculeuses se sont succédé dans une incessante surenchère aux plus beaux spécimens. Normal, c'est dans des eaux réchauffées que le silure préfère évoluer. Introduit clandestinement dans nos rivières par des pêcheurs amateurs de très gros, le poisson a fini par s'imposer en haut de la chaîne alimentaire, au-dessus des carpes et autres sandres qui se croyaient intouchables.
Depuis, ils ont trouvé plus fort et plus prédateur qu'eux. À la mi-juin, le jeune Mathieu Roques tombait sur un silure de 2,47 m et de 96 kg. Parti avec des amis pour une soirée grillades au bord du Tarn, il avait hésité à planter sur la rive ses deux cannes armées de vifs. Sait-on jamais, la grillade aurait pu se transformer en friture ! Au bout d'un moment, un gros silure s'est manifesté et la tension au bout de la ligne est devenue si forte que le jeune Tarnais s'est vu finir à l'eau. Toujours dans le Tarn, le 17 juillet cette fois, Antony et Clément pêchaient par temps de pluie un autre monstre de 2,40 m et de 80 kg…
« No Killing »
Ces dernières semaines, les chroniques se sont enrichies des photos de ces envahisseurs peu séduisants à large bouche.
Reste que cette forme de pêche relève de l'exploit quand il faut à bout de ligne ramener progressivement l'animal sur la berge. Pour le manger ? Non, pour le relâcher car il en va du silure comme de la carpe. Les pêcheurs sont de plus en plus adeptes du « No Killing », pratique de pêche avec remise à l'eau obligatoire. Une très imposante carpe pêchée voilà dix jours au lac de Saint-Ferréol (Haute-Garonne) a été ainsi rendue à son milieu après avoir été mesurée, pesée et photographiée pour figurer dans les annales.
Alors, les silures sont-ils les insatiables dévoreurs de tout ce qui bouge ? Certes, mais « gardons-nous des clichés et des trop grandes certitudes », insiste Frédéric Santoul, un des spécialistes nationaux du silure, chercheur au laboratoire Ecolab de Toulouse. Le plus grand poisson d'Europe en eau douce peut ingérer des animaux (lire ci-contre). Mais des enfants, sûrement pas, dément farouchement le scientifique soucieux de rappeler constamment à ses élèves que le silure, fût-il géant, n'est pas le monstre du Loch Ness…
"Ce poisson est victime de tous les fantasmes"
Des silures de 5 mètres observés en Russie, capables de dévorer des enfants : de purs fantasmes ?
Frédéric Santoul, maître de conférence à l'université Paul-Sabatier, chercheur à Ecolab. Totalement. J'ai très souvent approché le silure lors de plongées. Évoluant à 10 cm du poisson, il ne m'est jamais rien arrivé. Nos recherches n'ont jamais validé la thèse de poisson de telle taille, mais il est vrai que le silure, parfois âgé de 30 ans, reste le plus gros poisson d'eau douce existant en Europe, capable de manger de petits animaux terrestres : ragondins, pigeons… Il n'est pas impossible qu'ils s'en prennent aussi à des chiens. Il y a eu un cas avéré en Espagne, et dans le Lot-et-Garonne, dit-on. Mais le silure peut s'attaquer aussi à des poissons comme la carpe ou la brème qui, jusqu'alors, pour les plus gros individus, n'avaient pas de prédateurs.
D'où provient ce poisson qui n'existait pas jusqu'alors dans nos rivières ?
Du Danube, mais il a été introduit dans les années quatre-vingt dans le Tarn par des pêcheurs amateurs de pêche sportive. On le retrouve dans cette rivière, mais aussi dans la Garonne et de plus en plus dans la rivière Lot.
Qu'a appris le silure aux chercheurs ?
Son introduction a des conséquences sur le milieu aquatique. Situé en haut des chaînes alimentaires, le silure est un modèle biologique intéressant, révélateur des modifications du réseau trophique. Mais, curieusement, on se rend compte que le silure ne menace pas vraiment l'écosystème. Et on parle de ce poisson en éludant les autres espèces prédatrices introduites comme l'écrevisse aussi préjudiciable à l'environnement.
Le chiffre : 2,47
mètres > Record ? Oui, pour l'instant. Car, pour les connaisseurs, il existe sûrement plus grand encore. Ce poisson, qui dépareillerait dans un concours de beauté, peut atteindre 130 kg !
Article original de La Dépèche ici http://www.ladepeche.fr/article/2011/08/30/1155947-carnassiers-l-ete-de-tous-les-silures.html