Salut à vous Mad
LE SAUMON.1983
*Tous les saumons du monde présentent des caractères communs qu'ils ont conservés à travers les bouleversements de l'écorce terrestre et le réchauffement des eaux océanes.
Plusieurs volumes seraient nécessaire pour embrasser le monde des saumons dont personne, à notre connaissance n'a encore maîtrisé la diversité et dissipé tous les mystères.
Chaque région d'accueil reçoit un saumon qui a ses qualités spécifiques.
Il s'agit de la moyenne des poids, de l'ordre d'arrivée dans le temps, des différentes catégories, de la vigueur, de la préférence pour certains appâts et leurres.
Avant d'évoquer les traits essentiels des deux grandes familles, celle du Pacifique et celle de l'Atlantique, relevons les caractéristiques communes à l'ensemble de l'espèce.
Né en rivière, où il va attendre une longueur d'une vingtaine de centimètres, il part en mer jusqu'à sa maturité.
Infailliblement il reviendra au lieu de sa naissance.
Bouclant un cycle qui demeure une énigme.
Il est anadrome( c'est à dire qu'il remonte la rivière pour frayer.
Catadrome: action inverse.
*Lors de l'avanture amoureuse du grand retour, il cesse de se nourrir dès qu'il retrouve l'eau douce de la rivière de son enfance.
Son appareil digestif s'atrophie, ses organes sexuels se développent.
Ses gonades se créent.
Une question vient inévitablement aux lèvres de chacun.
Elle est rituelle.
Pourquoi que les saumons s'attaquent-ils aux appâts sophistiqués ou naturels que l'homme leur propose avec plus ou moins d'adresse ?
La truite, l'ombre, presque tous les poissons engament l'appât pour se nourrir comme l'exige la volonté de survie du règne animal.
Le saumon n'a pas la même motivation.
Il ne mange pas en rivière.
Il suffit d'ouvrir son estomac pour constater qu'il ne recèle aucune matière alimentaire.
C'est une réalité.
Certains cependant contredisent cette thèse.
Jones, le champion du pays de Galles ou coule la jolie Conway, a trouvé des vers dans la poche stomacale.
Ces prises ont été faites près de l'embouchure et il s'agissait de"frais monté",venant de quitter les eaux marines.
Pourtant il mord.
Pourquoi ?
Mille thèses ont été avancées.
Prenons les plus plausibles et les plus acceptées, fondées sur l'observation et la réflexion qui, dans le monde du silence des eaux vives constituent des démarches efficaces pour en arracher quelques secrets.
*Sans doute existe-t-il un reflexe conditionné chez un animal passant de l'eau salée, où il se gave de crevettes et autres petits poissons, à l'eau douce ou il jeûne.
Pendant quelques temps, le saumon continuera de se précipité sur toute proie à sa portée, quitte à la rejeter si son organisme n'éprouve pas le besoin de l'absorber.
*Sans doute, comme le prétendent les Indiens du Labrador, le saumon s'alimente peu ou prou et saisit toute nourriture proche pour la mâchonner et en avaler le suc après en avoir rejeté la partie solide.
*Sans doute, comme l'affirment la plupart des spécialistes, cette attitude belliqueuse participe de la volonté farouche du saumon d'éliminer tout obstacle, même petit, à sa progression vers la frayère, et surtout de la fierté naturelle d'un animal "en mission de reproduction" qui veut anéantir toute gêne et toute source de trouble.
Poussé par le rut, le saumon défie les courants les plus rapides, saute les chutes.
Lorsqu'il parvient épuisé au relais de repos, au "lie" ou repaire, il n'accepte pas d'être tiré d'un rêve qui endort sa fatigue et fonce rageusement sur tout objet qui passe dans son angle de vision.
Irascible, il veut alors le faire disparaître et le mord pour le broyer, le détruire et retrouver sa quiétude antérieure.
En un mot, la truite mord par gourmandise, et le saumon par hargne et par orgueil.
Une truite fuira après les premiers passages de l'appât.
Un saumon s'attaquera parfois qu'après de nombreuses sollicitations.
(Paul Boyer a vu le maître Bonnenfant s'acharner sur un saumon de dix-huit livres pendant trois heures avant que le saumon, agacé, ne gobe la mouche)
Chaque thèse comporte sa part de vérité.
En ce qui nous concerne, nous acceptons la dernière explication sans pour autant nier la vraisemblance des deux premières, surtout pour les"frais montés".